28 et 29 mars 2024
Camarades, je prends grand plaisir à pouvoir partager quelques-unes des expériences, analyses et pratiques du (nouveau) Parti communiste du Canada avec vous aujourd’hui.
Je désire commencer en décrivant quelques-uns des symptômes de la crise au Canada:
Le 29 juin 2021, le village de Lytton en C.-B. établit un record pour la température la plus haute jamais vue au Canada: 49,6 degrés Celsius. Le jour d’après, tout le village brûla, forçant 250 personnes à fuir les feux, la plupart d’entre eux étant des autochtones, des travailleurs et des pauvres. En tout, ce même dôme de chaleur tua 619 personnes, surtout des pauvres et des personnes âgées. Plus tard cette année-là, des inondations massives frappèrent le Nord-Ouest Pacifique, tuant 5 personnes, près de 600 000 animaux de ferme et créant des milliards de dollars de dommages. Et puis en 2023, nous avons enregistré la saison d’incendies de forêt la plus destructive de notre histoire avec plus de 6 000 feux détruisant 16,5 millions d’hectares de terre, une surface plus grande que la Grèce.
Pour les communautés rurales, incluant les autochtones résidents des réserves, la crise écologique n’est pas imminente, c’est une réalité active qui menace la santé, la stabilité et la viabilité de leurs communautés.
La crise du logement: La manifestation la plus flagrante de la crise du logement au Canada sont les 25 000 personnes qui n’importe quel jour donné, vivent dans les rues, dans les villes et villages à travers le pays. Ils représentent la pointe de l’iceberg d’environ 250 000 personnes qui souffrent d’une situation d’itinérance d’une façon ou d’une autre au cours de l’année. Mais la crise s’étend bien plus loin que ceux qui font face à ce scénario. Particulièrement dans les grandes métropoles, mais de plus en plus même dans les communautés plus petites, les familles de la classe ouvrière dépensent 60, 70, 80 % ou plus de leur revenu pour le loyer. Le prix moyen pour une location d’un appartement à deux chambres dans certaines zones métropolitaines est maintenant près de 4 000 $/mois. Il est normal dans la ville où je vis pour une famille de la classe ouvrière avec deux revenus de recourir à la banque alimentaire, parce que le loyer gruge pratiquement tout leur revenu disponible. Des situations de logements surpeuplés, dangereux ou insalubres, ainsi que des évictions menacées ou réelles, sont la réalité de tous les jours pour des millions de personnes de la classe ouvrière dans la riche terre promise du Canada.
Une troisième crise. Le déplacement et la non-pertinence économique s’additionnent sur tous les autres souffrances et dommages infligés chaque jour sur la classe ouvrière par l’impérialisme, ce qui résulte en une problématique grandissante de consommation de drogues et de dépendances dans notre pays. Combinée avec un marché de la drogue impitoyable, capitaliste et criminalisé, qui concocte constamment des drogues plus fortes, plus profitables et plus mortelles, ceci a abouti à une crise de décès par surdose sans précédent, plus de 7 000 morts en 2022. Cette crise ne touche pas seulement ceux qui ont déjà été rongés et jetés par le capitalisme, elle tue des travailleurs par milliers. Dans une province canadienne, 20 % des 2 300 personnes tuées par la surdose travaillaient dans l’industrie de la construction.
L’établissement politique canadien reconnaît ces crises. Les médias bourgeois sont remplis de plaintes voyeuristes et d’absurdités vides de sens à leur sujet. Ils les traitent comme des crises individuelles, alors que nous les comprenons comme faisant partie d’une toile enchevêtrée de symptômes entièrement enracinée dans la même maladie – la crise de surproduction du capitalisme monopoliste.
La crise de l’impérialisme grandissante a engendré des mouvements spontanés majeurs. Durant l’hiver de 2020, la lutte des Wet’suwet’en contre le pipeline Coastal GasLink engendra des actions solidaires dans tout le pays, qui bloquèrent des lignes ferroviaires et fermèrent le port le plus fréquenté du Canada pendant des jours, paralysant l’économie canadienne, précipitant une crise politique et la répression policière. En 2022, le mouvement du « Convoi de la liberté » mobilisa la juste indignation de la classe ouvrière contre les confinements COVID et les mandats de vaccination, mais soumis à un leadership réactionnaire, occupa la capitale du pays et généra une crise politique qui força le gouvernement fédéral à invoquer la Loi sur les mesures de guerre pour la première fois depuis les années 70. Ensuite, la deuxième moitié de 2023 vit une vague de grèves majeures, avec des grèves dans tout le pays incluant des travailleurs du secteur public fédéral, des travailleurs des grandes épiceries de Toronto, des débardeurs de la côte ouest, des travailleurs de soutien scolaire dans les Maritimes, et l’énorme mobilisation du secteur public du Front Commun du Québec.
Les symptômes de la crise et du mécontentement sont partout, et l’échec de tous ces mouvements spontanés à engendrer des changements structuraux, ou même de se former en un mouvement de masse à plus long terme, illustre le besoin pour le travail que notre parti entreprend maintenant – pour un leadership révolutionnaire idéologique, politique et organisationnel.
Alors comment le (N)PCC approche-t-il cette tâche?
Tout d’abord en apprenant des erreurs commises par les efforts de constructions précédentes du parti révolutionnaire dans notre pays et en les corrigeant.
Une des erreurs majeures, surtout durant le troisième mouvement de construction du parti, était une tendance à voir les travailleurs industriels ou syndiqués comme inorganisables au long d’une ligne révolutionnaire – comme trop investis dans l’impérialisme, ou trop blancs, trop privilégiés pour adopter des positions révolutionnaires – cédant essentiellement cette énorme portion du prolétariat au mauvais leadership des sociaux-démocrates, trotskistes, révisionnistes et même aux réactionnaires. Malheureusement, quelques maoïstes canadiens éminents continuent de croire en cette ligne, cherchant une source imaginaire de conscience révolutionnaire cachée dans une profonde, jusque-là inexplorée poche de la classe, et espérant que chaque nouveau soulèvement spontané du type de prolétaire qu’ils préfèrent, se transformera miraculeusement en une avant-garde révolutionnaire.
Nous rejetons cette pensée magique. Notre travail est précisément de forger une avant-garde à partir des avancés de tous les secteurs et segments de notre classe et ce faisant, créer les nerfs de conscientisation et d’organisation qui pourront rassembler la classe en agent de révolution.
Nous soutenons le principe de la centralité ouvrière: « les travailleurs situés au centre de la production et que l’on retrouve en grande concentration, plus précisément les ouvriers de la grande industrie et les travailleurs de la santé et de l’éducation présents dans les grands centres de services, forment le cœur du prolétariat et la force principale pour la révolution socialiste au Canada. » (Tiré du Programme politique de (N)PCC.)
Notre classe est en effet divisée par la division du travail impérialiste, ainsi que par les appareils idéologiques et politiques de la bourgeoisie monopoliste. Mais plutôt que d’accepter ces divisions, les considéreant comme immuables et recherchant des réponses dans ses failles, nous considérons que dépasser ces divisions et forger l’unité révolutionnaire est précisément le travail d’un parti d’avant-garde!
Notre seconde zone majeure d’intervention est de mettre en avant une vision audacieuse, substantielle pour la révolution dans notre pays : la Confédération socialiste multinationale.
Alors qu’il existe un large mécontentement avec l’état présent des choses dans notre pays, il n’y a pas de vision commune sur comment les choses pourraient changer, même parmi ceux qui se nomment révolutionnaires. Dans la mesure ou une telle vision existe, c’est le plus communément un retour en arrière vers un plus gentil, plus doux « état providence » d’un Canada imaginaire du milieu du 20e siècle, ou des slogans des réseaux sociaux qui prétendent être des visions et des stratégies complètes telles que #landback.
Notre Programme du Parti s’attaque à la vraie histoire de la colonisation, de l’oppression nationale et des vagues de migration au Canada, et propose une vision concrète pour le chemin à prendre:
Quand les travailleurs du Canada prendront le pouvoir dans leurs mains, le vrai potentiel du Canada pourra être réalisé : celui d’un territoire avec plusieurs peuples, qui tous méritent de conserver leur identité distincte, tout en contribuant à un ensemble plus grand. La souveraineté peut coexister avec l’unité économique et politique. L’identité distincte peut coexister avec le vivre-ensemble. Non seulement est-ce possible, c’est nécessaire.
Le (N)PCC reconnaît tout d’abord le droit des nations opprimées à leur autodétermination, incluant le droit de sécession. Mais nous ne nous satisfaisons pas de cela : nous reconnaissons que, étant donné la manière dont le Canada s’est construit, une séparation totale entre ses nations serait sûrement contre-productive. Dès lors, nous avons l’intention de construire une nouvelle forme d’unité politique et économique, une Confédération socialiste multinationale dont les parties constituantes ne sont pas des provinces délimitées arbitrairement, mais des peuples et des nations qui existent vraiment.
-Programme politique du (N)PCC
À l’intérieur de ce cadre idéologique et politique, notre parti approche le travail de masse avec une flexibilité tactique.
Nous construisons activement des racines dans les lieux de travail avec de larges concentrations de prolétaires et nous nous engageons au sein du mouvement ouvrier réellement existant afin de gagner à notre cause les travailleurs avancés dans les centres de production. Ceci inclut la construction d’une machinerie de propagande capable d’atteindre et d’engager le courant large des travailleurs, activant et engageant la conscience de classe qui, bien qu’à un niveau bas, existe parmi les travailleurs canadiens. Nous sommes bien en retard dans ce travail à cause des erreurs commises par les formations révolutionnaires précédentes, mais nous embrassons cette tâche, et nous exhortons les Partis dans les autres pays impérialistes à comprendre la nécessité d’organiser les travailleurs aux centres de la production!
Nous construisons aussi des assemblées de travailleurs et des conseils pour rassembler les travailleurs, basés sur des zones géographiques ou des lieux de travail, et nous aidons à l’établissement de notre vision de classe, d’unité et de lutte à travers les lieux de travail et secteurs différents, incluant les non-syndiqués et les travailleurs non organisés. Ces assemblées et conseils constituent des formes préliminaires des organes de pouvoir politique dont nous avons besoin pour la révolution.
Finalement, nous construisons des assemblées de quartier et organisations de locataires dans des quartiers ouvriers, ceux-ci pouvant organiser les travailleurs qui sont isolés et atomisés à cause de la dépendance généralisée envers le travail informel, à court terme, criminalisé, et le travail à la demande; et pour atteindre d’autres secteurs tels que les familles monoparentales, les aides-soignants et les aînés – tous membres de la classe ouvrière, mais pas nécessairement rattachés à un lieu de travail.
La crise de l’impérialisme nous a donné un terrain fertile pour organiser. Alors que notre travail est encore dans ses premières étapes, les conditions objectives sont mûres pour la révolution, même dans les centres impérialistes. Plus que jamais, le compas idéologique correct du Marxisme-Léninisme-Maoïsme, et le dur travail d’organisation donnent des avancées rapides. Mais il nous faut salir nos mains! Enquêter sur les conditions économiques, politiques et sociales de la classe des travailleurs et intervenir dans leurs luttes telles quelles sont, voici comment nous forgeons des racines profondes qui nous permettent de construire le parti et ses instruments de révolution. Nous avons besoin d’urgence que plus de partis et d’organisations, particulièrement dans les pays impérialistes, reprennent ce travail afin de développer notre théorie révolutionnaire basée sur la pratique concrète, et ainsi construire le mouvement révolutionnaire international communiste!
–Fred Dumont, au nom du Département international du (nouveau) Parti communiste du Canada


